Rapport Laurent : Pour ne plus jamais choisir entre la prévention et la protection

Fondation Olo : Rapport Laurent

 

Par : Élise Boyer, directrice générale

Après qu’un drame nous eut tous bouleversés, nous avons collectivement cherché des explications, déploré les manquements et souhaité ardemment des solutions. Durant deux ans, nos regards se seront tournés vers la Commission Laurent ou Commission spéciale sur le droit des enfants et la protection de la jeunesse.

Agir tôt

Au fil des témoignages et des premières recommandACTIONS se dessinait, lentement mais surement, une large invitation à prendre le virage de la prévention. Or, non seulement, Mme Laurent nous renvoie à l’importance de la prévention, mais elle nous dit qu’il faut le faire tôt dans la vie, dès la grossesse.

Le rapport l’aborde en ces mots « Nous croyons qu’agir le plus tôt possible dans la vie des enfants, et même avant la naissance, est à la base d’une trajectoire de services idéales visant à assurer le développement harmonieux des enfants et l’adaptation des parents à leur rôle ».

Portée par la certitude que les 1000 premiers de jours sont déterminants dans la vie d’un enfant, la Fondation Olo salue bien fort cette affirmation.

Obtenir un impact

Dans sa section sur les services en périnatalité, le rapport s’attarde à la fois à la nécessité de rejoindre les femmes les plus vulnérables et à celle d’offrir des services à toutes les familles. Cette approche est gagnante et elle a un nom : l’universalisme proportionné. Autrement dit, aucune société ne gagnera à offrir des services également à toutes les familles pas plus qu’elle aura intérêt à diriger toutes les ressources vers les personnes ayant les plus grandes vulnérabilités. La voie à suivre pour avoir un impact se trouve entre les deux et l’approche Olo y contribue : des services et des ressources qui peuvent se décliner, s’adapter et se coller aux besoins des personnes ou des familles.

À travers différentes recommandations – implanter l’avis de grossesse, rétablir les conditions d’efficacité des services intégrés en périnatalité et en petite enfance (SIPPE) et mieux financer les organismes communautaires, la Commission nous invite à emprunter ce chemin prouvé efficace pour réduire les inégalités. Il en sera tout autant de la prévention de la maltraitance.

En CLSC ou en organisme : miser sur le lien de confiance

Un autre aspect qui nous plait énormément est la reconnaissance du rôle de soutien joué par les intervenantes, qu’elles œuvrent en CLSC ou en organismes communautaires. Dans ce même esprit, le rapport insiste aussi sur l’essentielle synergie entre ces deux milieux pour le plus grand bénéfice des parents. On aime lire que le lien de confiance qu’un parent a pu tisser avec une intervenante devrait guider la suite de l’accompagnement, que les structures ne devraient pas primer sur l’humain.

Cette reconnaissance du rôle des intervenantes était la trame du fonds du mémoire « Créer et nourrir le lien de confiance » que la Fondation Olo a déposé à la Commission.

Ainsi, notre message a été entendu en même temps que celui de centaines d’autres personnes qui consacrent leur vie à aider les autres dans les CLSC ou les organismes communautaires.

4 des 5 recommandations de notre mémoire s’énoncent ainsi :

Investir dans la création et le maintien de liens de confiance avec un intervenant ou une intervenante et le faire spécialement pour les familles qui cumulent les difficultés, incluant celle de vivre dans la précarité économique;

Créer et reconnaître l’importance de ce lien de confiance dès la grossesse, le nourrir et le maintenir après la naissance de l’enfant;

Valoriser, soutenir et former adéquatement les intervenantes qui créent ces liens et le faire à la fois dans le réseau de la santé et des services sociaux et dans le milieu communautaire;

Favoriser les arrimages entre le réseau de la santé et des services sociaux et le milieu communautaire dans une logique de continuité et de cohérence pour les familles;

L’importance de la 1ère ligne

À la lecture, nous avons eu le sentiment que Mme Laurent et ses collaborateurs ont voulu, en quelque sorte, réhabiliter la mission des CLSC. En effet, le rapport porte une vision de la première ligne qui n’est pas éloignée du rôle d’origine pour nos CLSC.

L’acronyme avait presque disparu et pourtant il porte un message important : un CLSC est un centre local de services communautaires. En cette année où la Fondation Olo fête ses 30 ans, il est d’autant plus pertinent de rappeler qu’il n’y aurait pas de Fondation Olo s’il n’y avait pas eu à l’origine un organisme communautaire, le Dispensaire diététique de Montréal, et 47 CLSC fondateurs.

Ces 30 années sont synonymes d’impact, mais elles ont aussi vu des changements structurels importants. De CLSC, nous serons passés aux CSSS, puis aux CISSS et aux CIUSSS. Or, force est d’admettre, comme le fait la Commission, qu’à travers ces restructurations – et au fil des coupes – le nécessaire équilibre entre la santé et les services sociaux s’est rompu. Ce rappel de ce que devrait apporter nos CLSC à nos enfants, à nos familles et à tous nos citoyens n’est pas le message principal de la Commission, mais il a définitivement sa place dans l’éventail des solutions à mettre en place pour contrer la maltraitance.

Et l’approche Olo ?

La recommandation ultime de notre mémoire résume bien notre pensée :

Miser sur les initiatives existantes qui fonctionnent, notamment l’approche Olo, parce qu’elle facilite l’accès aux services, contribue au développement global du bébé, consolide les SIPPE et détient un potentiel inexploité en postnatal.

Non, l’approche Olo ne sera jamais une porte d’entrée vers la DPJ , mais elle agit sur des facteurs de risque de la maltraitance, favorise les liens de confiance et, ainsi, participe à ce cercle de bienveillance que l’on veut pour nos enfants.

Comme le rapport le souligne pour les SIPPE, les conditions d’efficacité doivent être au rendez-vous. C’est précisément ce que l’on défend et ce à quoi on œuvre depuis des années : une approche Olo accessible, garante d’impact par ses pratiques, qui se prolonge après la naissance et qui est ancrée dans sa communauté.

Maintenant et plus tard

Nos dirigeants, incluant le premier ministre, nous ont donné leur assurance que les recommandations allaient être prises en compte. À court terme, la confiance est là parce que nous sommes déjà sur une lancée en faveur de l’agir tôt, de l’égalité des chances et parce que des investissements ont commencé à être annoncés par le MSSS pour SIPPE et pour l’approche Olo.

C’est à long terme qu’une crainte s’installe. Il sera toujours ardu de mesurer précisément les retombées de la prévention. Aujourd’hui, c’est d’une seule voix que nous accueillons des recommandations, mais comment s’assurer de ne pas répéter le cycle, de ne pas avoir besoin d’un énième rappel dans 10, 20 ou 30 ans? Comment éviter dans le futur de rompre une autre fois l’équilibre entre santé et service sociaux, entre prévention et protection?

Nous avons au Québec une expertise inouïe qui ne demande qu’à être mise au service des bébés, des tout-petits, des enfants. Ces connaissances et cette bienveillance peuvent se déployer dans nos CLSC, nos organismes communautaires, nos centres jeunesse, nos services éducatifs à l’enfance, nos universités, nos ministères ou nos municipalités. Puisse cette expertise être reconnue, fédérée, soutenue et écoutée!

Soyons au Québec irréprochables à faire de la protection et exemplaires à faire de la prévention.

Merci à Mme Régine Laurent, à tous les commissaires et à toutes les personnes pour avoir écouté, soupesé et livré ce puissant ouvrage.


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