Jeudi 13 février 2025

Dans quels environnements grandissent les tout-petits au Québec

Cet automne, l'Observatoire des tout-petits a publié la 3e édition de son portrait intitulé Dans quels environnements grandissent les tout-petits au Québec. Ce document, qui regroupe près de cent indicateurs sur la petite enfance, met en lumière les environnements dans lesquels évoluent les enfants de 0 à 5 ans et identifie les risques qui menacent leur développement. En plus de dresser ce portrait, le rapport recense plusieurs pistes de solution pour améliorer la situation. À l’occasion de sa parution, une discussion a eu lieu entre Julie Cailliau, directrice de l’Observatoire des tout-petits, et Élise Boyer, directrice de la Fondation Olo, afin de réfléchir ensemble aux conclusions de cette étude.

Pourquoi se concentrer sur les milieux familiaux, physiques et éducatifs?

Le rapport s’intéresse tout particulièrement aux environnements familiaux, physiques et éducatifs des tout-petits. Julie Cailliau explique : « Ces trois milieux comportent des facteurs de risques et de protection qui influencent le développement et la santé des enfants. C’est pourquoi nous avons choisi de les aborder en profondeur, à travers plusieurs indicateurs dans chaque section, pour mieux comprendre les enjeux actuels. »

Des iniquités persistantes et préoccupantes

En comparant cette nouvelle édition à celle de 2019, il est évident que certaines iniquités persistent et préoccupent. Une conclusion marquante du rapport est que certains enfants vivent dans des environnements qui présentent davantage de risques pour leur développement, qu’on pense à ceux issus de familles à faible revenu, monoparentales ou récemment immigrées. Julie Cailliau souligne aussi que de nouveaux indicateurs ont fait leur apparition dans cette nouvelle édition : « Par exemple, le taux de plomb dans le sang des enfants a diminué grâce aux mesures de santé publique mises en place. Cependant, de nouveaux enjeux émergent, comme l'impact des écrans sur le développement des enfants, un phénomène qui est de plus en plus documenté. »

L'insécurité alimentaire : un facteur crucial pour le développement des enfants

Un des aspects les plus frappants du rapport est l’insécurité alimentaire. Élise Boyer de la Fondation Olo s'inquiète particulièrement de cette situation. Selon les données du rapport, un ménage sur cinq avec un enfant de 0 à 5 ans vit dans une situation d’insécurité alimentaire. Cette problématique a des répercussions majeures sur la santé physique et mentale des enfants, mais aussi sur leur réussite éducative. « L’alimentation devrait être une source de confort pour les parents, mais pour de nombreuses familles, elle est devenue une source de stress. L'insécurité alimentaire est inacceptable, surtout quand on sait à quel point elle peut affecter l’avenir des tout-petits », déclare-t-elle.

Julie Cailliau abonde dans le même sens, soulignant l'importance de l'alimentation pour le développement des enfants. « Les salaires n’ont pas augmenté au même rythme que l’inflation des prix de l’alimentation et du logement. Cette situation peut mettre les familles les plus vulnérables dans une position très précaire. Mais il est possible d’agir. Par exemple, nous avons vu avec les mesures exceptionnelles prises pendant la pandémie qu’une bonification des revenus des familles a eu un impact sur le taux de familles à faible revenu. »

Le stress parental et le manque de soutien

Le stress parental est également une question centrale abordée dans le rapport. Un parent de tout-petits sur quatre déclare ne pas recevoir le soutien nécessaire quand il n’en peut plus. Cela s’explique en partie par l’accumulation des difficultés : problèmes d’alimentation, de logement, d’accès aux garderies et d’isolement. Ce manque de soutien a des conséquences sur la santé mentale des parents, ce qui peut avoir des répercussions sur le bien-être des enfants.

Élise Boyer est particulièrement frappée par cette donnée : « Nous devons repenser notre approche et réduire les inégalités. Le soutien aux familles est crucial pour éviter que ces difficultés ne s’aggravent. » Julie Cailliau, quant à elle, insiste sur l’importance de comprendre que ces problèmes ne sont pas isolés, mais bien liés entre eux, créant un cercle vicieux de vulnérabilité.

Des solutions possibles, mais urgentes

Le portrait 2024 de l'Observatoire des tout-petits n’est pas seulement un constat, il éclaire aussi des solutions. « Ce rapport nous montre qu'il est possible de faire évoluer la situation. Les données probantes qu'il contient sont là pour nourrir les décisions politiques et sociales de demain », explique Julie Cailliau. De son côté, Élise Boyer rappelle que le Québec a une longue histoire de politiques publiques innovantes en matière de petite enfance, mais que cela ne doit pas être un frein à l’amélioration continue : « Le contexte et les enjeux évoluent, et nous devons adapter nos solutions aux réalités actuelles. »

Conclusion

Ce rapport de l'Observatoire des tout-petits est un outil essentiel pour comprendre les conditions de vie des tout-petits au Québec et l'impact de ces conditions sur leur développement. En mettant en lumière des problématiques telles que l’insécurité alimentaire, le stress parental et le manque de soutien, il appelle à une prise de conscience collective et à l'action. Il ne suffit pas de reconnaître ces défis, il faut aussi y répondre de manière concrète et urgente pour garantir à chaque enfant un avenir sain et prometteur. Il est possible d'agir, et il est urgent de le faire.