Le suivi Olo avant, pendant et après les mesures sanitaires : une histoire de données changeantes et de réalités préoccupantes

L’objectif de la Fondation Olo est constant et ambitieux : offrir le suivi Olo à 100% des femmes et des familles admissibles. Parallèlement, notre souhait sera toujours qu’elles soient les moins nombreuses possible à s’y qualifier en raison d’un revenu insuffisant pour les mettre à l’abri de l’insécurité alimentaire. Dans la réalité, si la prévalence de la pauvreté a pu baisser momentanément en 2020, l’isolement social, l’inflation généralisée et la hausse du prix des aliments nous laissent bien pessimistes devant la perspective que la pauvreté ait pu reculer durablement. En ces temps incertains, nous cherchons donc à dégager la meilleure compréhension de la réalité pour mieux adapter et faire évoluer nos actions. Tout cela dans un seul et même objectif : donner une chance égale aux familles de mettre au monde des bébés en santé et d’acquérir de saines habitudes alimentaires tôt dans la vie.

Avant la pandémie de COVID-19 : une situation imparfaite

Isma - Femme enceinte

Entre 2015 et 2019, c’est 7250 femmes enceintes en moyenne par année qui ont été admises au suivi Olo dans les établissements membres du réseau de la santé et des services sociaux. En ajoutant les autres membres de la Fondation Olo qui ne sont pas inclus dans ces chiffres, soit le Dispensaire diététique de Montréal et les Centres de santé de Mashteuiatsh et d’Opitciwan, on obtient un chiffre plus près de 8200.

Une tendance à la baisse s’amorçait, de 4% en 2018-2019 puis de 11% en 2019-2020, soit tout juste avant la pandémie. Nous l’expliquions en partie par une baisse des naissances (entre 2015 et 2018, elles sont passées de 87 050 à 83 840 par an, soit une baisse de 4% pour remonter légèrement à 84 309 en 2019) et nous n’excluions pas un certain recul de la pauvreté. En effet, l’Observatoire des tout-petits a relevé que « à l’échelle du Québec, le taux de faible revenu [ chez les enfants de 0 à 5 ans ] est passé de 21 % en 2004 à 13 % en 2017 » (référence). Si cette hypothèse n’est pas exclue, il convient de rester prudent d’autant plus que la pauvreté des femmes enceintes, peu documentée, ne suit pas forcément les mêmes tendances que celles des familles avec enfants.

Durant ces années prépandémiques, la Fondation Olo estimait rejoindre environ 2 femmes admissibles sur 3. La proportion de femmes rejointes pouvait être très variable d’une région du Québec à l’autre. Peu importe l’endroit, l’écart entre l’objectif de rejoindre 100% des femmes admissibles et la réalité s’expliquait par différents facteurs, notamment la capacité des établissements d’offrir le suivi. En effet, le suivi Olo étant d’abord et avant tout un accompagnement qui ne saurait se limiter à une remise de coupons, les intervenantes doivent être suffisamment nombreuses pour offrir la qualité et l’intensité de suivi nécessaire à toutes les femmes admissibles. 

La prudence s’impose avec les données. En effet, il convient de garder à l’esprit que notre estimation du taux de femmes rejointes repose sur des données forcément imparfaites et sur des hypothèses. Le nombre de femmes admises au suivi Olo dans une année de référence (numérateur) est une compilation de données saisies dans une centaine de CLSC et bien que les pratiques soient de plus de plus encadrées, la façon de les saisir a pu varier d’une personne à l’autre et dans le temps. Quant au nombre de femmes enceintes théoriquement admissibles de par leur revenu (dénominateur), la Fondation Olo a dû développer son propre modèle pour parvenir à réaliser des estimations, faute de données existantes sur les femmes enceintes. Celui-ci fait intervenir des indicateurs de Statistiques Canada (donc mesurés à chaque 5 ans) sur la prévalence de la pauvreté chez les femmes de 18 à 34 ans et chez les ménages avec enfants de 0 à 1 an.

Pendant la pandémie et les mesures sanitaires : le paradoxe

En mars 2020, la pandémie est entrée de plein fouet dans notre quotidien et encore plus durement dans celui des familles vivant en situation de vulnérabilité. Quand tout a basculé, nous avons eu plusieurs appréhensions allant des effets du stress toxique sur le bébé à naître jusqu’aux conséquences économiques de mesures sanitaires sans précédent. Nous avons alors pensé que plus de femmes basculeraient sous le seuil de faible revenu et qu’elles seraient plus nombreuses à demander le suivi Olo.

La Fondation Olo s’est heurtée à un paradoxe. Alors que le suivi Olo devenait plus essentiel que jamais, nous avons constaté une nouvelle baisse des femmes rejointes par le suivi Olo. Avec 4750 femmes ayant débuté un suivi dans un établissement du réseau entre avril 2020 et mars 2021, c’est une baisse de 23% par rapport à l’année précédente … et de 35% en 5 ans !

Baisse du taux de natalité ? Un peu, 3% en une année. Recul de la pauvreté ? À posteriori on a su que oui ; elle aurait diminué presque de moitié entre 2019 à 2020, passant de 8,9 % à 4,8% (référence), les mesures gouvernementales de soutien au revenu étant la principale explication avancée par les experts. Néanmoins, aucune de ces pistes ne doit prendre le dessus sur le véritable enjeu, car cette baisse des suivis a une cause principale : l’isolement des familles.

Dès le début de la pandémie, les directives de la santé publique ont entraîné un renfermement sur sa bulle famille. Même faire son épicerie devenait une épreuve et constituait souvent la seule sortie possible pour les familles. Perte de repères, peur du virus, méfiance envers les autres ont fait en sorte que les familles en situation de vulnérabilité se sont encore plus isolées et ne sont pas allées demander l’aide qui leur aurait été salutaire pour s’assurer que leur bébé naisse et grandisse en santé. Vivre une grossesse au fil des mesures de confinement a été éprouvant et notre coup de sonde de l’automne 2021 l’a tristement illustré : les facteurs de risque se sont multipliés et complexifiés dans la vie des familles.  

Après les mesures sanitaires : l’usure persiste et l’inflation s’invite

Maintenant que la pandémie se fait moins ressentir et que la plupart des mesures exceptionnelles ont pris fin, quelle est la nouvelle réalité des familles ?

En contexte de vulnérabilité, il serait illusoire de penser que les facteurs de risque qui se sont accentués avec la pandémie vont s’estomper rapidement. Quand il est question d’essoufflement parental, de problématiques de santé mentale, d’absence de réseau de soutien et même parfois de violence conjugale et de problèmes de consommation, la complexité des situations impose une certaine lucidité. Les mois de distanciation et d’isolement auront laissé des cicatrices et certaines plaies prendront du temps à se refermer complètement, d’autant plus qu’il est illusoire d’effacer tous les stress. 

Et voilà que depuis plusieurs mois, une nouvelle donne est à prendre en considération : la poussée inflationniste sans précédent impacte autant les habitudes des familles que leur porte-monnaie. Hausse des loyers, hausse du prix de l’essence, hausse du prix du panier d’épicerie, rien ne semble échapper à l’inflation et les familles se retrouvent à devoir jongler avec toujours plus de difficultés pour joindre les deux bouts. Ces hausses cumulées les obligent à faire toujours plus de choix, même si des choix elles en ont peu. Un des budgets les plus compressibles est celui de l’alimentation et de nombreuses familles se retrouvent donc à couper dans ce budget et à plonger dans l’insécurité alimentaire. Nos récentes actions publiques dans le cadre du mois de la Nutrition rapportent des constats chocs : les familles en situation de vulnérabilité accompagnées dans le cadre du suivi Olo sont dans des situations toujours plus difficiles et les intervenantes sont de plus en plus inquiètes.

Faire son épicerie dans des magasins à 1$, pousser plus souvent la porte des banques alimentaires, se questionner sur comment manger aujourd’hui sont des réalités de plus en plus présentes dans la vie des familles. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir une situation d’urgence le devenir encore plus : aux personnes vivant des fins de mois difficiles s’ajoutent celles faisant face à des débuts et des milieux de mois difficiles.

Le sentiment d’urgence et de stress est décuplé et les familles vulnérables plongent encore plus dans un cercle vicieux dont il est difficile de sortir. Dans une société pourtant de plein emploi, un nouveau visage de l’insécurité alimentaire se dessine. Ces réalités du terrain qui ne se retrouvent pas encore dans les tableaux statistiques nous font craindre une augmentation des besoins chez les familles et une hausse des demandes pour le suivi Olo.

Aujourd’hui, répondre à l’isolement et à l’inflation et redoubler d’efforts pour rejoindre plus de familles en augmentant l’accessibilité du suivi Olo

Forts d’une efficacité prouvée et de 30 ans d’impact et de collaboration avec le réseau de la santé et des services sociaux, notre objectif est clair : nous souhaitons que le suivi Olo soit avant tout accessible à toutes les femmes enceintes admissibles de par leur situation de faible revenu.

  • La Fondation Olo estime qu’en 2022-2023, près de 11 500 nouvelles femmes enceintes seraient admissibles au suivi Olo partout au Québec de par leur situation de faible revenu.

  • Notre objectif est clair : que toutes les femmes admissibles puissent avoir accès au suivi Olo. Atteindre ceci en 2022-2023 signifierait rejoindre 4500 femmes enceintes de plus que ce que nous faisions avant la pandémie.

Pour y parvenir, nous agissons sur deux fronts : celui de la promotion et du référencement et celui du rehaussement des capacités des équipes à offrir le suivi Olo.

La seule notoriété ou le bouche à oreille ne peuvent suffire. Les services doivent être promus pour être mieux connus. Pour la première fois de son histoire, la Fondation Olo déploie au printemps 2022 une campagne d’affichage dans les abribus de 6 quartiers ciblés de Montréal. Parallèlement, 2022 voit aussi la mise en ligne du service Ma grossesse, un guichet d’accès virtuel qui devient la nouvelle porte d’entrée vers le suivi Olo. La page Avoir accès au suivi Olo sur le site web de la Fondation y dirige les femmes. Précédemment, des initiatives similaires appelées « avis de grossesse » étaient déjà présentes dans certaines régions du Québec et nous observions que la proportion des femmes enceintes admissibles bénéficiant du suivi Olo était plus élevée dans les régions où cet « avis de grossesse » était implanté. Enfin, la Fondation Olo, depuis sa page Je veux faire connaître le suivi Olo est en mesure d’outiller des centaines de partenaires terrain qui peuvent promouvoir les services à l’échelle de leur communauté. Les liens qu’entretient la Fondation Olo avec les professionnels du réseau de la santé et des services sociaux, avec le milieu communautaire, avec les agents de Services Québec et avec une multitude d’épiciers et d’autres commerces qui échangent les coupons sont ainsi mis à profit pour tisser un réseau d’entraide.

L’autre front est celui du rehaussement des capacités des membres d’offrir le suivi Olo. On l‘a dit : le suivi Olo étant un accompagnement et non une simple remise de coupons, les équipes doivent compter sur des intervenantes en nombre suffisant et soutenues dans leur progression vers les meilleures pratiques. Le mémoire Suivi Olo et Fondation Olo : vers un réinvestissement pour les futurs bébés et leurs familles explique en quoi l’investissement de 4,25 M$ annoncé par le gouvernement pour les CISSS et les CIUSS doit être considéré comme une première étape et non une finalité.

La recherche, l’histoire et des milliers de témoignages illustrent à que point le suivi Olo est un actif de la société québécoise. Les partenaires impliqués ont le savoir-faire et le savoir-être pour que le plus grand des impacts parvienne aux plus petits d’entre nous. Ensemble, opposons à l’isolement une main tendue et à l’inflation un cœur toujours plus grand.