Fondation OLO | Entrevue | Regroupement pour la Valorisation de la Paternité
12 juin 2019

Pères : parents à part entière

Du 11 au 17 juin 2018 se tient la Semaine Québécoise de la Paternité organisée par le Regroupement pour la Valorisation de la Paternité (RVP). Créée en 2013, cette semaine a pour but de susciter un dialogue sur le rôle qu’occupent les pères d’aujourd’hui.
Plusieurs activités auront lieu partout au Québec, conviant les pères, mères, enfants, familles et amis à souligner l’engagement accru des papas québécois.

En lien avec cette Semaine, nous avons discuté «familles et papa» avec Raymond Villeneuve, directeur du RVP.

Fondation Olo : Qu’est-ce que le Regroupement pour la Valorisation de la Paternité?

Raymond Villeneuve : Le RVP existe depuis 20 ans et regroupe 250 organismes et individus de partout au Québec. La mission est de valoriser l’engagement paternel de manière inclusive, dans le respect et l’égalité des parents. L’organisation a été fondée dans Hochelaga-Maisonneuve par des intervenants du terrain qui travaillaient auprès des pères. Leur but était de sensibiliser et mobiliser les intervenants pour inclure les pères dans leurs interventions auprès des familles vulnérables. D’ailleurs à l’époque, les pères n’étaient jamais nommés dans les politiques publiques familiales, mis à part pour le congé de paternité. Le travail se poursuit pour que le soutien aux familles inclue également les papas.

Fondation OLO | Entrevue | Regroupement pour la Valorisation de la PaternitéL’une des 4 affiches de la campagne 2018 de la Semaine Québécoise de la Paternité

 

FO : Remarquez-vous une différence du rôle des papas depuis ces dernières années?

RV : Oui, tout à fait! On voit une réelle différence dans la société québécoise. C’est une cause de plus en plus en effervescence. L’enjeu de l’égalité est important pour tous les Québécois.

Selon de récentes données, les pères québécois d’aujourd’hui sont plus présents dans la vie de leurs enfants que ne l’étaient les pères des générations précédentes ; et cet engagement est en croissance. Un sondage Léger marketing, effectué auprès de 1000 pères québécois, a révélé, en mai 2017, que les pères d’enfants âgés de 0 à 5 ans consacrent en moyenne 3,1 heures par jours aux tâches domestiques et aux soins des enfants. Certains chercheurs ont par ailleurs constaté que ce temps consacré aux enfants par les pères a doublé en moins de 25 ans. (source)

FO : Y a-t-il une différence entre les tranches d’âge?

RV : Oui, on remarque cette tendance chez les 18 – 34 ans. Pour organiser la Semaine Québécoise de la Paternité, on a fait des «focus groups» chez les pères et futurs pères de ce groupe d’âge. Ce qui en est ressorti : ils veulent vraiment être engagés et, souvent, ne veulent pas faire comme leur propre père (ils ont eu un bon père, mais pas nécessairement aussi impliqué qu’eux). Ils veulent changer des couches, se lever la nuit, aller chercher les enfants à la garderie, etc. Les mamans aussi veulent qu’ils soient impliqués. Plus les couples sont jeunes, plus les écarts sont réduits dans la répartition des tâches ménagères.

 

FO : Voit-on une différence chez les familles vulnérables?

RV : On remarque que chez les pères vulnérables, selon les données statistiques, les réflexes traditionnels sont plus présents. Ça ne veut pas dire qu’ils n’aiment pas leurs enfants! Ça dit qu’il est important de porter une attention particulière pour les sensibiliser parce que l’implication peut être plus fragile.

Ils ont aussi souvent vécu des difficultés lorsqu’ils étaient jeunes et ne veulent pas faire vivre à leur enfant ce qu’ils ont connu. C’est une phrase qu’on entend souvent. Dans les interventions, il est important de partir de leurs forces et plutôt que de leurs difficultés.

 

FO : Comment les papas peuvent-ils être impliqués lors de la grossesse, l’allaitement et l’alimentation de leurs tout-petits?

RV : Les pères n’ont évidemment pas le même vécu pendant la période périnatale : ils ne portent pas l’enfant et n’allaitent pas. Il est donc important d’adapter les outils à leur réalité. Par exemple, lors des cours prénataux auxquels j’ai pu assister, je remarque qu’ils se voient souvent comme des accompagnateurs plutôt que des acteurs lorsqu’ils sont devant leur conjointe. Ils n’expriment pas leurs besoins et leurs sentiments. Ils ont des appréhensions et des préoccupations, peut-être différentes, par exemple «vais-je être capable de m’occuper d’un nouveau-né?», «comment sera ma vie après la naissance?», «dois-je changer de maison et de voiture?».

Puisque la société valorise beaucoup la maman, ils ne se sentent pas nécessairement valorisés et demeurent en soutien. Leur vie aussi va être transformée! Ainsi, tout comme la maman, ils ont un cheminement à faire pour devenir parents. Il faut dire aux conjointes : «c’est normal que votre chum ait un cheminement distinct du vôtre puisque son vécu pendant la grossesse est très différent».

 

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FO : Comment favoriser l’engagement paternel?

RV : Il ne faut pas seulement voir le père dans un rôle de soutien aux activités de la mère et de l’enfant. Il faut trouver des stratégies pour que le papa crée des moments avec l’enfant, sans la mère. Le bébé étant souvent plus dépendant de la maman entre 0 et 2 ans, les pères peuvent se sentir démunis durant cette période. Ils doivent trouver leur propre plaisir et leur propre place afin de se sentir utiles et actifs. Ça peut être de faire prendre le bain, changer la couche, faire des promenades en poussette, installer le siège d’auto, etc. Ils ont besoin de concret, un rôle et des responsabilités bien à eux.

 

FO : Pourquoi le père est-il important dans la vie de l’enfant?

RV : Les parents sont les premières figures de référence. Il est très intéressant d’avoir des modèles différents pour que les tout-petits voient différentes façons de faire. L’enfant est alors en contact avec différentes visions du monde dans lesquelles il peut se projeter. Le bébé qui est en contact avec des modèles positifs et égalitaires va intégrer ces concepts en grandissant.

Un enfant qui voit un père aimant et affectueux a plus de chances de reproduire le comportement. C’est juste positif! Et plus l’attachement se fait vite, plus c’est bénéfique.

 

FO : Pour finir, auriez-vous un conseil à donner aux pères qui pourraient vivre des difficultés?

RV : Je vais citer un intervenant qui avait une réplique magique qui a sauvé de nombreuses vies de pères et d’enfants en difficulté. Quand tout va mal et que l’estime de soi est démolie, il leur disait : «tu ne sais pas à quel point tu es important pour ton enfant!».

 


Propos recueillis par Julie St-Pierre